L’Info s’adapte aux circonstances particulières de la pandémie et vous propose quelques plages de vie en complément de ses éditions print.

 

DEUX PERSONNES, UNE HISTOIRE

LE JOURNAL DES CONFINÉS

Ils n’ont plus l’âge printanier, mais ils n’en cultivent pas moins un enthousiasme vivifiant au fil des éditions de l’INFO. Notre rédacteur, Jean-Michel Bonvin, et notre experte en mots croisés et orthographe, Paulette Berguerand, nous livrent leur version du confinement au rythme des errances d’un sournois virus.

Photos: Luciano Miglionico

 

  1. Vendredi 13

    Jean-Michel


    Vous n’êtes pas superstitieux ? C’est pourtant ce jour-là que la «guerre» au Corona a été déclarée en Suisse. Une guerre planétaire… qui fait encore rage contre un virus pernicieux qui ébranle jusqu’à nos certitudes les plus solides. L’annonce m’a laissé un peu dubitatif, même si le branle-bas de combat dans tout ce que notre pays compte d’établissement de soins et d’hôpitaux donnait des airs de catastrophe.

    Jm Dehors 1

  2. Pb Dehors 4

    Paulette


    J’ai appris le confinement le vendredi 13, à Sion, par mon autoradio. Je n’ai saisi que l’annonce de la fermeture des écoles.C’est le samedi matin, dans une grande surface, devant des rayons dévastés et le regard farouche des personnes poussant des caddies débordants, que j’ai commencé à comprendre. Je m’en ouvre à un ami qui me rassure : « T’en fais pas, on en aura toujours assez ! », en tendant le bras vers le son café préféré… pour trouver un espace vide ! Je l’ai laissé à ses méditations.

  3. Samedi 14

    Jean-Michel

    Le branle-bas pour moi, je l’ai vécu le lendemain samedi, dans un super marché de la ville. Sur ma liste de petites commissions ordinaires – du lait, du fromage, des légumes… Je découvre une foule en délire qui parcourt le magasin avec fébrilité. Les chariots énormes débordaient de marchandises. Un couple devant moi en avait rempli deux, avec des montagnes de produits et… de PQ.

    Soudain, rupture de stock, la vendeuse fonce dans l’arrière magasin et revient avec des paquets WC pleins les bras qu’elle jette à la volée…. On est pas loin de l’hystérie. Je me dis que, tout de même, on exagère dans la peur de la pénurie et que j’aurai tout le temps de terminer tranquillement mes courses plus tard. Mais en même temps, je pense aux scènes de films des années de guerre… Je ne réalise seulement les jours suivants que, oui, je vivrai confiné… Plus de 65 ans, donc personne à risque !

  4. Samedi 14

    Paulette

    Pour moi qui, par souci de fraîcheur, faisais mes courses tous les jours et me régalais des rencontres et anecdotes sur les coins de trottoir, il allait falloir renoncer à ce petit plaisir, et pour combien de temps ? Je me suis permis une dernière balade au Petit–Lac, m’appliquant à me souvenir de tout : un papillon citron, une queue de lézard entre deux pierres encore froides, un arbre bruissant de guêpes, un chant de merle et, au loin, un croassement de crapaud…
    Me voilà, tout soudain, personne âgée, vulnérable, fragile, avec l’impression que le «regard des autres» a changé sur nous. Et incapable de mémoriser le mot «confiné». Je me sens confite et confuse dans une sorte de confiture au goût indéfinissable et que j’ai si peu choisie !

  5. Dimanche 15

    Jean-Michel

    Le samedi soir, impasse sur la pièce de théâtre, à la «Sacoche», à laquelle nous nous réjouissions d’assister avec des amis. Le dimanche, cependant, nous n’avons pas sacrifié la balade prévue le long d’un bisse. Ce fut la dernière sortie en groupe. Bon nous n’étions que quatre, donc juste dans la limite des règles fixées par l’OFSP !

     

  6. Dimanche 15

    Pb Dehors 1

    Paulette

    Dès les premiers jours, de messages amicaux ont abreuvé mon téléphone et mon mail : «C’est sûr, le monde ne peut être que meilleur après !» «Protège-toi, tu comptes pour moi !» «J’aurais pu t’envoyer un mail, mais j’avais besoin de parler à quelqu’un». Et celle qui m’appelle le premier soir, vers 22 heures : «Pour lutter contre cette pandémie, il suffit de boire un grand verre d’eau très chaude, ça tue tous les microbes». La foi du charbonnier !

  7. Lundi 16

    Jm Ordi 2

    Jean-Michel

    Puis, démarre la nouvelle semaine. J’hésite à faire une escapade au magasin et me dit qu’en y allant tôt le matin… Étrange ambiance dans le parking quasi désert et le commerce vide. Les recommandations officielles de vigilance redoublent. Cela sera ma dernière visite aux supermarchés de ma ville. Mais comment se ravitailler ?
    On cherche des solutions ? Je n’inscris au site de commerce on-line d’une grande surface et passe commande, ou plutôt essaie de passer commande. Système informatique bloqué. J’insiste. Réponse 3 jours plus tard : nous sommes débordés et ne pouvons plus assurer des livraisons à domicile. Les temples de la consommation, eux-mêmes, ont été pris de vitesse par la crise qui décidément frappe fort. Je lorgne du côté des avis de ma commune… Sur le site aucune information concrète. Plus tard, dans de nombreux villages, des jeunes lancent des initiatives offrant d’aller faire les courses pour les aînés. Superbe réaction ! L’épidémie allait susciter de formidables élans de solidarité entre les générations.

  8. Lundi 16

    Paulette

    Une précieuse amie, qui pourrait être ma fille, m’a spontanément offert de faire mes courses à ma convenance. Je lui soumets ma liste deux fois par semaine et elle me les livre avec la juste distance nécessaire, après quelques adaptations de doses, de marques. Quoique, une certaine gêne quand je rédige ma liste, que va-t-elle penser de mes habitudes alimentaires ? Et si je lui demandais de m’acheter de l’alcool ?
    Enfin, surprenant message de ma «livreuse» : «Tu ne voudrais pas un avocat ?» Je lui avais demandé de m’acheter des épices pour guacamole ! Et me reste l’image de cet agent de police à la caisse d’un magasin. Il avait oublié de se munir du «passe» à l’entrée et son air gêné a déclenché l’hilarité générale.

  9. Les jours suivants ...

    Jean-Michel

    Reste donc à trouver une connaissance ou une copine serviable qui soit d’accord de « commissionner » pour nous. On cherche autour de nous, lorsqu’une super et sympathique amie nous propose spontanément ses services. Il faut donc faire la liste des commissions. Coup d’œil dans les réserves de la cave, puis du congélateur… On constate que les vrais besoins sont du côté des produits frais : fruits et légumes. Souci : établir une liste pas trop longue afin de ne pas surcharger notre amie, par exemple, éviter les produits trop lourds (tant pis pour les bouteilles de bière !). C’est un bon exercice pour établir l’inventaire des aliments et produits dont on peut se passer ! Semaine suivante : une autre amie fait les courses. Précision sur la liste : «bananes bio». Surprise au retour des commissions : tous les produits jusqu’aux œufs étaient estampillés bio. Notre commissionnaire avait pensé que nous étions des adeptes du 100 % bio ! Pourquoi pas ? L’épidémie continuera à changer nos habitudes…

     

  10. Les jours suivants ...

    Pb Ordi 2

    Paulette

    Je m’offre quelques petites promenades en ville, en solitaire. J’en profite pour rafraîchir ma mémoire des noms de rues, qui ne manquent pas de poésie. Plutôt casanière, travaillant à la maison, je sortais rarement le soir. Mes loisirs préférés, c’était les balades dans la nature en amicale compagnie. Sans oublier la si précieuse séance d’aquagym le jeudi ! Nos éclats de rire complices me manquent tant !
    Quant à mes autres occupations : je reçois encore quelques travaux de correction et me suis remise à des jeux de logique que j’avais délaissés, c’est un bon training pour mes neurones. Enfin, les «à fond» de ma bibliothèque assez chargée, qui m’a offert une bonne séance de «réveille-mémoire».
    Et quel bienfait pour mon ces quelques échos de cornemuse ou de fifres et tambours invisibles résonnant sur les murs des environs ! L’autre soir, sur un balcon de l’immeuble voisin, une famille d’Africains s’est mise à taper sur des casseroles et jouer du sifflet. Je n’ai pas pu m’empêcher d’applaudir longuement. Et puis, toutes ces initiatives, de tous bords, pour mettre de la chaleur, de la musique, des sourires et conserver ces liens sociaux qui semblent si précieux à tous !

  11. Au fil des loisirs d’avril… les «sorties»

    Jean-Michel

    Quid des loisirs en mode confinement ? Avec la fermeture des cinémas, théâtres, bibliothèques, salles de concert, mais aussi des bistrots, il a fallu se rabattre sur… la terrasse de la maison, la forêt, la vigne… Un confinement donc relatif par rapport à ce jeune couple qui a témoigné à la TV et qui vivait dans un petit appartement sans balcon.
    Ici une remarque : l’injonction pour les plus de 65 ans était de ne pas sortir de chez soi. Et dans le même temps, les responsables et autres psychologues avérés incitaient les gens à se dépenser. «Bouger en plein air est un enjeu de santé publique», lançait un physiologiste de l’Institut des Sciences du sport de l’uni de Lausanne. Adepte de la course à pied, je n’ai d’ailleurs pas eu besoin de ce conseil pour poursuivre mes entraînements en baskets, quitte à transgresser le principe du confinement strict ! D’autant que courir ne pose aucun problème quant au respect de la fameuse distanciation sociale.

  12. Au fil des loisirs d’avril… les «sorties»

    Paulette

    Mes premières «sorties» se font sur mon balcon, qui donne à la fois sur la rue, le Petit-Mont-Bonvin, Niouc et Bouzerou. Optimiste, j’y surveille les premières pousses de fleurs mellifères que j’ai semées. Auront-elles la chance de recevoir la visite de quelques abeilles survivantes ? De ce mirador, j’observe ma rue, bien propre (bravo le zèle des nettoyeurs !). Sans enfants ni ados, vide de bruits et de couleurs, elle paraît bien triste ! Y déambulent pourtant quelques furtifs passants. Les jeunes marchent au rythme de leurs écouteurs. Les femmes, elles, sont lestées de lourds cabas ou traînent des caddies de marché. Les hommes, souvent masqués, balancent leurs bras ou un petit sac. Peu de chiens : en faciles prétextes, ils visitent peut-être des lieux plus exotiques, soit ils craignent la toute récente hygiène de l’endroit… «Un passant passait, livide, il n’avait pas rendez-vous». (Emile Gardaz)

  13. Au fil des loisirs d’avril… besoin d’air

    Jean-Michel

    La vie en plein air, je la pratique aussi dans le travail de mes vignes. Ma jeune plantation d’amigne a même eu droit à un travail du sol à la pioche, un outil que je n’avais plus utilisé dans mon vignoble depuis des lustres… Parmi les «travaux et les jours», pour paraphraser le poète grec Hésiode, j’ai bien sûr également «tourné» le jardin. Mais encore rien planté : c’est trop tôt pour les tomates !
    Plus de sorties en ville, plus de courses dans les magasins, je suis donc bien confiné. Mais notre chance est de pouvoir continuer de prendre l’air, par exemple, pour quelques balades en forêt que nous rejoignons tôt le matin, afin de limiter les rencontres. L’appel de la nature semble, en effet, avoir boosté le nombre de promeneurs. Enfin, la terrasse sur laquelle on mange, on lit, permet également de vivre sous le ciel.

    Jm Dehors 2

  14. Au fil des loisirs d’avril… besoin d’air

    Paulette

    Avide d’air frais, je me lance dans ma première balade, jusqu’au jardin que je cultivais. Il est resté en friche, mais je retrouve «ma» précieuse et fidèle pivoine envahie de roseaux. Elle arbore un seul bouton, l’espoir ! À la prochaine visite.
    Promenade au bord du Rhône, riche en rencontres ! Joggeurs, cyclistes, rollers et promeneurs de tous âges s’y aèrent, chacun appliquant des règles qui lui sont propres. La nature s’en donne à cœur joie, fleurs, feuillages, chants d’oiseaux, nous révisons nos savoirs botaniques et ornithologiques, et finissons le voyage en fredonnant des chansons de courses d’école. Un bien fou !

  15. Au fil des loisirs d’avril… revisiter ses petites manies

    Jean-Michel

    Et dans la maison ? J’ai mis en profit cette période pour revisiter ma collection de DVD d’opéras. Violetta la courtisane à la vie dépravée qui déclare sa flamme à Alfredo. Dilemme pour l’héroïne qui, à l’acte 3, opte pour une vie rangée auprès de son amoureux. Mais le besoin de liberté va l’emporter et Violetta retrouve les frasques du carnaval au grand désespoir d’Alfredo. L’histoire finira mal, avec la mort de l’héroïne emportée par la phtisie. Émouvante scène finale entre le duo — soprano et ténor — de la « Traviata » de Verdi. Le même sort tragique — l’opéra souvent se plonge dans les drames ! — frappera Juliette qui agonise dans les bras de son Roméo (Gounod). Symbiose de la grande musique et du théâtre, l’opéra vous transporte et vous touche au cœur… Et, dans ce temps de confinement, la durée des œuvres (souvent près de 3 heures !) n’est plus un obstacle !
    Autre de mes loisirs : la lecture. Je vous recommande le roman d’un jeune écrivain romand Adrien Gygax «Se réjouir de la fin» qui décrit avec délicatesse la trajectoire d’un homme qui entre en EMS, au crépuscule de la vie.
    J’ai renoncé à relire la fable de La Fontaine les «Animaux malades de la peste» afin de ne pas déprimer. Vous souvenez-vous de la triste formule : «ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés». Le fabuliste parlait-il déjà du Covid 19 ?

  16. Au fil des loisirs d’avril… revisiter ses petites manies

    Pb Ordi 3

    Paulette

    Plusieurs heures de mes journées sont prises par mon travail de correction. Le travail terminé, je n’ai pas trop envie de me mettre à la lecture. Pourtant, mes loisirs chez moi ne me sortent pas de ma monomanie : Internet me propose des grilles de wordoku (sudoku avec des lettres). Je raffole aussi d’une revue de jeux de logique. Je l’avoue, ces loisirs peuvent vite devenir addictifs.

  17. Au fil des loisirs d’avril… échanger à distance

    Jean-Michel

    Enfin, les réseaux sociaux — WhatsApp en tête — sont une source inépuisable de vidéos, gags, petite histoire à rire. Comme celle-ci : un policier m’arrête au volant de ma voiture : il me dit «vous sentez l’alcool». Je lui réponds : «c’est parce que vous ne respectez pas les distances de sécurité !»
    Golfeur, j’ai reçu plusieurs vidéos sur le sujet, dont celle où l’on voit Sergio Garcia, le champion espagnol habitué de Crans-Montana, grimper sur un arbre pour frapper une balle qui s’était nichée sur une branche. Là, ce n’était pas un gag, mais la scène filmée dans un grand tournoi. Le champion, ainsi, ne fut pas pénalisé puisqu’il faut jouer la balle à l’endroit où elle se trouve, quelle que soit sa fâcheuse position !
    Côté divertissement, certains de mes sympathiques correspondants — je me demande parfois où ils trouvent tous ces documents ! — m’ont également envoyé des extraits de concerts, tels le Boléro de Ravel par les musiciens de l’OSR ou la très belle chanson de Barbara «Ma plus belle histoire d’amour c’est vous», dont les couplets sont chantés, successivement, par des interprètes de Suisse romande.

  18. Au fil des loisirs d’avril… échanger à distance

    Paulette

    Et puis, surtout, les longs bavardages téléphoniques avec les amis/amies. Humour et complicité au programme, chacun/chacune essayant d’égayer l’autre, et réussit parfois. Cela me vaut quelques anecdotes savoureuses : sur suggestion de sa mère, une fillette appelle régulièrement sa grand-mère, lui demandant des histoires de «quand elle était petite». «Ça réveille ma mémoire et ça me fait un bien fou!» se réjouit la grand-mère. Une autre s’amuse : «C’est mon mari qui fait les courses, qu’il paie par carte. J’ai pris conscience que notre monde avait changé, et que le temps avait passé quand j’ai trouvé, sur un meuble, son porte-monnaie… couvert de poussière !» Enfin, plusieurs m’ont fait cette réflexion : «C’est fou, je sursaute à chaque fois que je vois des gens se serrer la main ou s’embrasser… à la télévision !» Le conditionnement fonctionne !

  19. De vive voix à virtuelle voie

    Jean-Michel


    S’il est un domaine qui a été chamboulé par le confinement, c’est bien celui des relations humaines et sociales. Au début, vous vous dites que ne plus rencontrer les amis et les gens de votre famille pour quelques jours n’est pas si dramatique. Pas de panique ! Mais voilà qu’au cours des semaines qui passent, ce «désert» social commence à peser et à vous mettre du sable dans les rouages. Partager un bon repas autour de la table familiale ou prendre l’apéro en refaisant le monde avec vos amis devient une envie de plus en plus pressante. L’alternative du confiné ? Le téléphone et l’internet.
    Première mesure : remettre à jour l’application Skype qui permet d’avoir l’image en plus du son. Ce moyen de communication devient une nécessité pour les rencontres de type professionnel. Bien gérées par l’animateur, ces conférences m’ont d’ailleurs paru efficientes – avec une écoute plus assidue des divers participants – que lors des réunions «in vivo» qui dévient sur des digressions hors sujet…

     

    Jm Dehors 5

  20. De vive voix à virtuelle voie

    Paulette


    Je passe chaque jour beaucoup de temps au téléphone, pour des bavardages, confidences, nouvelles, mots de tendresse, de compassion, d’encouragement et d’humour. Les voix en disent parfois plus long que les textes… Quant aux réseaux sociaux, je n’y participe pas trop, et le mail me rapproche uniquement de ma famille, mes amis et mes travaux. Côté médias électroniques, J’avoue avoir effectué un achat ménager par Internet, mais à une maison suisse, qui exigeait un paiement à 8 jours.

  21. Rester en lien même à distance

    Jean-Michel


    Ces rendez-vous Skype sont une aubaine pour les relations amicales, par exemple, pour féliciter une amie tchèque de notre famille qui vient de donner naissance à un bébé. Avec l’espiègle et toute blonde grande sœur Karolina au sourire resplendissant devant l’écran. C’est aussi grâce à Skype que j’ai pu poursuivre mes leçons d’anglais avec ma prof. Une Londonienne au parfait accent british qui, en plus, m’a donné plein d’astuces dans le maniement des outils de communication numériques. Un époux responsable informatique d’une importante école hôtelière, cela aide…
    Et bien sûr, en cette période hors du temps, le Face Time ou autres Zoom ont permis de partager avec nos grands enfants, eux-mêmes, bloqués à la maison, mais au boulot grâce au télétravail.

  22. Rester en lien même à distance

    Paulette


    Ayant reçu mes premiers masques, je comprends pourquoi j’avais tant de réticence à les accepter. Après quelques pas dans la rue, bien qu’ajusté minutieusement devant le miroir, le bouclier me remonte sur les yeux. Et comme il est recommandé de ne pas le toucher… Dans les regards des passants, je lis plein de questions, pas toutes très aimables, sachant qu‘on ne m’a pas reconnue ! Même dilemme chez le coiffeur, je m’«encouble» dans les prénoms du personnel.
    Le 1er mai, visite du Père Noël : une amie sonne à ma porte les bras chargés de bonnes et belles choses : Muguet de circonstance, iris, mais aussi côtes de bettes et rhubarbe de son jardin. Rien de tel pour reprendre goût à la vie !

  23. Des petits riens qui font beaucoup

    Jean-Michel


    Les relations ce fut aussi de petits gestes entre amis. Comme cette salade de notre voisin champion du jardinage, malgré ses 90 ans (!) ou cette tresse déposée devant la porte de la maison. Et, notre livreur des journaux qui passe tous les matins à 6 heures a trouvé une grande boîte de chocolat dans la case à lait. Ce présent pour son cadeau de nous apporter les quotidiens particulièrement appréciés en ces temps d’isolement.
    Le confinement a également provoqué une déferlante de messages et vidéos sur WhatsApp. Le cercle d’amis et contributeurs a augmenté au cours des jours. Une question se pose, dès lors, quel message faire suivre et à qui ? Les gags un peu foireux ou rustiques restent en cercle restreint. D’autres, plus fins et délicats, bénéficient d’une diffusion plus large. À l’image de cette vidéo de l’inénarrable Mr. Bean en quête d’un cadeau pour sa bonne amie ou ce dessin qui montre une classe avec deux seuls écoliers – distance sociale oblige - l’un tout devant, l’autre, Ethan, sur le banc tout derrière. Ce dernier scrute la feuille de son copain à l’aide de jumelles. «Madame, s’écrie alors l’élève devant. Ethan me copie !»

    Ecole Image Jm

  24. Des petits riens qui font beaucoup

    Paulette


    Avec mes enfants et petits-enfants, nous nous donnons réciproquement des nouvelles par téléphone ou mail. Ma belle-fille, infirmière, a été atteinte, sans trop de gravité. En quarantaine à domicile, elle a maintenant repris son travail. Son mari et ses fils demeurent en télétravail. Ils racontent avec humour leurs soucis capillaires : tondeuse ou gel ? Aux dernières nouvelles les rendez-vous chez le figaro sont pris pour la semaine prochaine. Tous quatre comptent subir un test de sérologie pour se sentir vraiment immunisés.
    Ma fille, en congé maladie, fait une heure de marche par jour pour aller chercher de fruits et légumes dans une ferme près de Lausanne.
    Mon autre fils, professeur dans un collège, donne ses cours à distance, non sans une certaine impatience…

  25. Démo de mots sur des maux

    Jean-Michel


    Il est vrai que les nouveaux moyens de communication changent la donne. Du temps de la grippe espagnole, il y a tout juste un siècle et qui fit des dizaines de millions de victimes, les informations circulaient plus lentement, par courrier. Il fallait prendre la plume, comme cette sœur du monastère des Augustines de Québec qui écrivit à sa famille : «le malade succomba, en apparence de pneumonie, en réalité de grippe dite  “espagnole”, mais qui a fait bon marché de la nationalité dans le choix de ses élus…», poursuivit-elle, non sans humour.
    Intéressant aussi de lire l’article du correspondant du quotidien le Times en Espagne, lui-même touché par le virus de la grippe et guéri grâce à la prise de quinine, médicament contre le paludisme. Il minimisait la gravité de la situation : «en raison de son caractère bénin, la maladie a d’abord fait l’objet de bons mots et autres badinages plaisants dans les journaux…» C’était un peu mon état d’esprit en ce sombre vendredi 13 mars, lors de l’annonce du confinement…

  26. Démo de mots sur des maux

    Pb Dehors 3

    Paulette


    N’ayant pas d’enfants en âge scolaire, je ne peux qu’imaginer leur vie confinée. Quelques frimousses derrière les fenêtres closes, quelques reflets de trottinettes dans une arrière-cour, mais aussi quelques chansons timidement fredonnées les vendredis soir. Je sais que le personnel enseignant les accompagne de son mieux, mais j’ignore tout de l’anxiété des parents. À tous, il sera important de donner la parole après la crise…

  27. La prudence en guise de guidance

    Jean-Michel


    À la mi-mars, je fus sollicité par un ami pour donner mon avis sur les vins du dernier millésime de sa cave. Je dispose d’une certaine expérience dans le domaine, puisque je vinifie des crus depuis près de 50 années ! Micro-vinification de quelques dizaines de litres pour la famille… Mais, pour ce dernier contrôle, avant la mise en bouteilles, pas possible de passer chez mon ami œnophile pour partager nos impressions. Les échantillons sont arrivés dans ma boîte aux lettres et j’ai dû «boire en Suisse», tout seul, puis livrer mes commentaires par téléphone.

    Dans le même ordre d’idée, saluons l’initiative originale de l’association VINEA qui propose des cartons de dégustation livrés à domicile. Ces packs contiennent des bouteilles de 6 cépages emblématiques des 6 régions viticoles de Suisse. Ils sont accompagnés de liens vers des vidéos didactiques qui présentent l’encaveur et proposent des commentaires de dégustation. J’ai passé commande… mais me réserve, cette fois, de découvrir ces crus, plus tard, avec un ami dégustateur confirmé.

    Car si les relations virtuelles peuvent être réconfortantes, elles ne remplaceront jamais les vraies rencontres, les accolades et poignées de mains ! Le dé-confinement partiel du 11 mai ouvre donc des perspectives. Mais la prudence et distance sociale demeurent plus que jamais indispensables.

  28. La prudence en guise de guidance

    Paulette


    «Mon» merle siffle à tue-tête au somment du grand thuya pour saluer la pluie bienvenue. Il m’avait beaucoup manqué, cette année !

    Dans mon quartier, le soulagement est dans l’air, le décor change, c’est évident : les parkings se remplissent, certaines boutiques s’entrouvrent, dont l’acheteur d’or, «Business is business», sans délai ! Si l’argent n’a pas d’odeur, les effluves du Kebab ont reconquis le territoire.

    Les Figaros ont ouvert leurs officines, je me risque à l’aventure du dé-confinement.

  29. Entre virus de l’info et info virale

    Jean-Michel

    Cette épidémie s’est révélée très contagieuse, non seulement pour les personnes à risque, mais aussi pour les médias dont ce fut le quasi unique thème durant huit semaines. Il était dès lors difficile d’échapper à la déferlante d’informations qui nous a submergés. Les conférences de presse journalières de nos conseillers fédéraux et de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) étaient essentielles pour faire passer les messages de la protection et du combat contre le virus. Elles ont contribué à la prise de conscience et à l’acceptation par la population des fameux gestes barrières qui ont permis à notre système de santé de tenir le coup.

    Les médias (journaux et TV) ont joué un rôle capital dans ce processus. Leur audience et leur crédibilité auprès du public ont été renforcées. Les médias ont démontré qu’une information vérifiée et prise à bonne source était utile, dans ces temps de règne des déplorables «Fake News».

    Mais, comme souvent, le trop est l’ennemi du bien notamment dans les chaînes d’info en continu qui crachent les avis d’experts et contre-experts à longueur de journée. Ce flux, j’en suis certain, peut avoir un effet anxiogène. Et il est vrai qu’il m’est arrivé de subir l’overdose, notamment, en début de confinement. Les autres sujets de l’actualité ont eu bien de la peine à émerger, ou alors au travers du prisme viral.

    Jm Ordi 1

  30. Entre virus de l’info et info virale

    Paulette

    Avide d’informations sur cette crise historique, dès le 13 mars, je vais les chercher dans divers médias, histoire de comprendre un peu le chaos de ce monde… Je voudrais prendre du recul, mais impossible : le flot continu de messages, vrais ou faux, saturés de chiffres, de pourcentages, nous engloutit.

    Au début, je me régalais des pitreries d’un certain clown aux cheveux jaunes, puis il m’a fait vraiment peur. Pour l’instant, à mon avis, personne ne peut faire de projections à court, moyen et même long terme. En résumé, comme le dit une boutade populaire : «Une seule chose est sûre, c’est que le doute persiste».

    Pour ce qui est des médias nationaux et locaux que je consulte, je trouve leur travail admirable. Ils nous amènent à partager les préoccupations des vraies gens, confinés pour la plupart, nous montrent toutes les facettes de nos quotidiens si différents, en une grande mosaïque colorée. Et, en passant, merci pour les séances télévisées de gymnastique simples et stimulantes, c’est carrément de l’aide humanitaire ! 

    À la radio, je savoure particulièrement la coulée de miel «Porte-Plume», de Manuella Maury, des mots de tendresse semés aux quatre vents. Un peu de douceur dans ce monde de brutes. Avec la délicieuse nostalgie des airs, si parcimonieusement distillés de nos «folles jeunesses», je n’ose dire «du bon vieux temps». Je déguste aussi, dans Le Nouvelliste les «Lettres à nos aînés», des liens précieux.

  31. J’ai compris que je n’avais pas tout compris

    Jean-Michel

    Je conviens que le Conseiller fédéral Berset et le rassurant responsable de la division des maladies transmissibles de l’OFSP, Daniel Koch, ont joué une partition à l’unisson durant cette période, même si les données transmises étaient parfois contradictoires. Difficile de gérer l’incertitude : ils ont tenté de donner une information qui tenait compte de l’évolution de la situation, une information sans masques… qui justement faisaient défaut ! Navrant dans un pays qui brille par l’importance de ses géants de la pharma !

    Une humoriste a bien résumé la situation : «un jour on dit que le masque ne sert à rien et le lendemain qu’il peut sauver des vies… Un jour on dit qu’il faut rester cloîtrer à la maison et le lendemain, on vante les bienfaits de la promenade pour s’aérer l’esprit et développer ses anticorps…» Bref, le développement subit et universel du Covid-19 a laissé planer bien des points d’interrogation. Donc, gare aux déclarations péremptoires et définitives. Les épidémiologistes les plus éminents, eux-mêmes, disent qu’il faut faire preuve d’humilité. Quant aux complotistes…

    Pas d’incertitude pour les partisans de la théorie du complot qui ont fait florès. C’est un grand classique dans ces situations de crise que de chercher les coupables. Et de proclamer, après coup : «on vous l’avait bien dit. Ce virus a été fabriqué dans des officines secrètes… Sûrement, en Chine pour nous déstabiliser et pour nous vendre ses masques… C’est un prétexte pour que les autorités, qui ont tout faux, puissent brimer nos libertés !» Ces diatribes grossières et loufoques se sont répandues à la faveur des réseaux sociaux qui les répercutent sans filtre ni esprit critique.

     

  32. J’ai compris que je n’avais pas tout compris

    Paulette

    J’ai suivi les conférences de presse des conseillers fédéraux épaulés de scientifiques renommés. Elles m’ont paru bien menées et assez claires pour le public lambda. Pris entre le souci de la santé de la population et les menaces sur l’économie, personne n’avait vraiment les coudées franches. D’autant plus que le bilinguisme et le flot de «Fake News» ne facilitaient pas les choses. Chacun a dû parer au plus pressé, au jour le jour. Alors, ironiser sur certaines formules ou quelques bafouillages, cela devrait être réservé aux dessinateurs de presse et humoristes de tous acabits.

    De l’historique conférence du 29 avril, je retiens deux mots capitaux : Endiguement remplace confinement. Et l’enseignement présentiel se promet de soulager parents et maîtres. Ou pas. J’ai entendu aussi la joie de Léonard Gianadda, il va rouvrir les portes de son palais des merveilles, les aînés oseront-ils s’y risquer ?

    Idem pour les restaurants, il faudra du temps pour acquérir les bons réflexes, tant pour les clients et le personnel. Et gare aux quiproquos : à la radio, ce matin, je sursaute à l’exclamation d’un grand chef de cuisine : «Ne comptez pas sur moi pour faire du chaud !»  Après réflexion, j’ai compris : il voulait dire «show» ! Les limites du franglais !

  33. Vers un autre monde ?

    Jean-Michel

    Que dire en guise de conclusion ? Une évidence : cette pandémie a démontré – si besoin était encore – la terrible interdépendance générée par une économie globalisée. Si globalisée que c’est la Chine qui nous a permis de reconstituer notre stock de masques. Une des leçons à tirer sera le retour à davantage de proximité dans la production des produits et services. Consommer local : cette évolution va s’accélérer. On pourra l’expérimenter dès cet été, avec les vacances que nous passerons – bon gré, mal gré - en Suisse, même quelques frontières voisines vont s’ouvrir.

    Tout reviendra-t-il comme avant ? C’est le credo des pessimistes. Mais je crois que le Covid-19 ouvre une voie vers une économie de proximité, plus autonome et respectueuse du développement durable. Parions que l’on passera du discours à l’action.

  34. Vers un autre monde ?

    Pb Dehors 2

    Paulette

    Je déplore le peu d’échos à l’Appel du 4 mai, plaidant pour une économie plus locale, plus égalitaire et plus durable, demandant de ne pas retourner à l’Ancien Monde et ne pas subventionner des entreprises qui polluent. Pour les lanceurs de l’Appel, «il est urgent de ralentir !»

    La première séance des Chambres nous donne quelques bonnes nouvelles : les subventions aux crèches, aux médias, aux transports publics et aux établissements publics sont approuvées. Mais le National les refuse aux entreprises versant des dividendes et exige une réglementation contraignante à ce sujet. Voilà qui me réjouit ! Dans le même temps passent sur d’autres écrans suisses les deux interminables files, l’une vers les fast-foods et l’autre vers les sacs alimentaires de premiers secours. Symbolique !
    Durant ces mois particuliers, je me suis sentie à la fois menacée et coupable. Menacée, puisque proie possible de la pandémie et coupable de dépendre de mes proches à cause de mon confinement. Mon petit pays à moi est en paix. Le monde continue à tourner, vaille que vaille. Dans les premiers jours de ce confinement, je me suis vraiment mise à croire qu’après cette tragédie, le monde ne pourrait que se reconstruire des lendemains plus sobres, apaisés et solidaires. En un bref temps, nous avons prouvé que nous pouvions le faire. Cette pandémie nous a permis de découvrir le formidable «besoin des autres» réciproque qui nous habitait. À cultiver, comme ce printemps tardif et prometteur.

  35. Vous pour nous, nous pour vous

    Jean-Michel

    Je garde aussi de ces moments hors du temps l’admirable engagement du personnel soignant que j’ai applaudi sur les coups de 21 heures. Je souligne l’extraordinaire élan de solidarité des jeunes qui se sont spontanément mis au service des plus âgés (les confinés) pour faire les courses ou rendre d’autres services. Un exemple d’union au moment où certains tentent d’exacerber le conflit des générations. L’avenir ? Le virus nous a ébranlés, mais il ne doit pas nous paralyser. Les gestes barrières utiles, d’un point de vue de la santé, ne peuvent tenir lieu de programme de société. Je préfère rêver de perspectives plus joyeuses et savoureuses de rencontres et de convivialité.

  36. Vous pour nous, nous pour vous

    Paulette

    Pourtant, les mois passant, j’ai plus de doutes que d’espoirs. À la sortie de cette si grave crise, l’habitude du confort, du «chacun pour soi», du «je suis citoyen, j’y ai droit» va-t-elle continuer à nous recouvrir de son lichen grisâtre qui n’a, en tête de son vocabulaire, qu’un seul mot : «croissance», et à quel prix ? Tout le monde se démène pour parer au plus pressé, colmater les brèches, peu de voix pour anticiper ce qui doit vraiment changer demain. L’Occident a eu deux générations de prospérité et d’opulence indécente, il est grand temps, pour le bien de ceux à qui nous léguons ce monde, de lui rendre sa part d’humanité et de solidarité.

    Depuis le 13 mars me trotte dans la tête ce tag relevé, semble-t-il, sur un mur d’un métro chinois : «Nous ne pouvons pas revenir à la normale, parce que la normale que nous avions était précisément le problème.» Et puis, surtout, dans tous les domaines, se souvenir du besoin que nous avons eu les uns des autres, de tous les gestes de solidarité, dévouement, patience, sympathie qui ont illuminé ces jours ternes, et trouver mille et une façons de dire MERCI.

Retrouvez le portrait en trois temps de Paulette Berguerand et Jean-Michel Bonvin dans la version print de l’INFO du mois de juin !

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