Crans-Montana veut mettre les voitures au garage

traficLa station du Haut-Plateau a depuis longtemps le goût du bouchon. Elle veut redonner la priorité aux piétons. Depuis longtemps. Cette fois serait la bonne: par une approche commune et une lente persuasion, elle espère enfin changer le réflexe auto.   

 

Seize à dix-sept mille véhicules par jour sur la route qui relie les deux pôles de la station. En haute saison, Crans-Montana connaît un trafic huit fois plus élevé que le col du Simplon, plus dense encore que celui mesuré sur l’artère la plus fréquentée de Sion (environ 13'000). Enfle alors une ville à la montagne, brinquebalante, nourrie par l’assaut désordonné de plus de quarante mille habitants, des voitures qui vont avec, et des nuisances qui accompagnent les voitures. Par comparaison, la densité moyenne de population à l’hectare à Crans-Montana dépasse, en période de pointe, celle de nombreuses villes européennes! Il faut une heure pour parcourir, au rythme du pas, quelques misérables kilomètres au volant de son auto. L’expérience n’a plus rien à voir avec la jouissance tranquille des beautés paysagères et la découverte de la brute sauvagerie de la nature, ce que recherchent surtout les touristes, comme l’ont démontré plusieurs enquêtes.

Il faut donc changer, et les gens du lieu le savent depuis lurette. En 1967, le directeur de l’office du tourisme préconisait  déjà la suppression de la circulation dans le centre de la station! L’homme avait été échaudé par la vision des 1200 voitures parquées pendant les fêtes de Pâques. Trente-quatre ans plus tard, l’échelle a changé: il y a beaucoup, beaucoup plus de véhicules, beaucoup, beaucoup plus de parkings. Responsables touristiques et politiques ont bien évoqué avec une métronomique régularité l’urgence de limiter le trafic. Mais les problèmes restent entiers et on circule partout.

 

Bus dans les bouchons !

Cet hiver a marqué le début d’un ambitieux essai pour redonner la priorité aux piétons. Non qu’on ait rien fait du tout auparavant. Telle commune a aménagé une rue plus agréable pour le bipède, on a introduit la gratuité sur les lignes de bus. Rien de très concluant. Les bus sont souvent en retard et restent bloqués dans les bouchons! La nouvelle démarche emprunte un chemin plus large, mieux valorisé aussi. Crans-Montana fait en effet partie des trois régions pilotes suisses choisie par l’Office fédéral de la santé publique dans le cadre de son Plan d’Action Environnement Santé. Ce qui veut dire de l’argent, deux millions de francs sur cinq ans, la moitié à la charge de la Confédération et l’autre à celle de la région. Le projet phare de la station, parmi treize autres consacrés à la mobilité et au bien-être, concerne justement l’amélioration de la circulation.

Des premières et modestes mesures d’incitation ont été tentées cet hiver, et une commission planche sur diverses solutions durables. Le site Internet du projet donne quelques pistes: renforcement du contrôle policier, amélioration de la signalisation pour inciter les gens à utiliser des parkings hors station, meilleure information.

 

L’inertie de l’âge

Où qu’on regarde, pas trace de rue piétonne ou de bouclement d’une zone de la station à la circulation. Ne fait-on pas, comme toujours, dans la «mesurette»? «Interdire la circulation est encore  impensable. Cette station a cent ans, on ne peut pas changer la mentalité des gens comme ça. Nous pensons plutôt à un faisceau de mesures différenciées», répond la responsable de communication du Plan Environnement Santé Danielle Emery Mayor. Il est vrai qu’une partie des hôtes de la station, plutôt habitués aux BMW qu’aux Topolino, ne grimperait dans un bus que sous la menace. Et que la clientèle helvétique, genevoise ou vaudoise par exemple, ne songe pas à gagner la station par le train et le funiculaire. Il faut donc aborder l’affaire sous un angle plus subtil: puisque les comportements n’évoluent pas, changeons les façons de penser.

Quand on fait remarquer à Danielle Emery Mayor que le problème est resté intact depuis trente ans malgré discours et bonnes volontés, elle rétorque: «Ce qui a changé, c’est qu’on est prêt à se poser des questions.» Cela peut paraître un peu court, ça l’est beaucoup moins quand on connaît le climat de jalousie et de méfiance qui a longtemps prévalu dans cette station dépendante de six communes différentes. «Nous avons réussi à mettre sur pied un Agenda 21 sur le Haut-Plateau, nous avons suscité l’intérêt de Berne pour le Plan Environnement Santé, une centaine de bénévoles travaillent sur ces dossiers. C’est déjà un résultat très encourageant.»

Les commerçants, habituellement rétifs aux mesures de limitation de trafic, ont eux aussi fait leur chemin. «Cela a demandé du temps, et ça en prendra encore», souligne leur présidente Marielle Clivaz Ketteridge. «Ce qui me réjouit, c’est qu’on en parle tous ensemble. Avant, chacun réfléchissait de son côté. On sent vraiment le besoin de changer quelque chose.» On verra sous peu si cette évolution passe dans les actes.

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