Bistrots et espaces non fumeurs

Crans-Montana se lance

Article paru dans le Cafetier du 11 février 2005 - Par Geneviève Zuber

Benoît Provins, patron du tea-room «Délicatesse» à Crans, totalement non fumeur depuis un mois, avec sa collaboratrice Edmée Dayen. «De nombreux clients me félicitent d’avoir osé.»


Les cafés et restos totalement non fumeurs ou offrant un espace «sans» font une percée spectaculaire à Crans-Montana. Un mouvement précurseur sur le plan valaisan? Après avoir fait le pas, des patrons témoignent.

Le Valais compte désormais quatre établissements complètement non fumeurs. Le «Bistrot Valais-Wallis» à Haute-Nendaz a été le premier à ouvrir la voie l’été dernier, une expérience que le patron, Régis Métrailler, ne regrette pas le moins du monde. «J’ai peu à peu augmenté et élargi ma clientèle, groupes, familles, enfants, personnes âgées… Et cette mesure a contribué à fidéliser 400 à 500 clients.» Cet hiver, trois autres établissements lui ont emboîté le pas: l’un à Champex (lire témoignage en encadré) et les deux autres à Crans-Montana.
Ce n’est pas un hasard si deux de ces établissements se trouvent sur le Haut-Plateau. En tant que région pilote du PAES, le Plan d’action environnement et santé de l’Office fédéral de la santé publique, Crans-Montana bénéficie d’une dynamique particulière. La fumée, entre autres, est dans le collimateur du Plan. «Nous avons pris contact avec les patrons des établissements, pour les informer notamment des risques découlant de la fumée passive –1000 morts par année en Suisse, et nous mettons à leur disposition des chevalets non fumeurs pour les tables», explique le Dr Hubert Varonier, du PAES. Résultat: pour l’heure, un établissement sur cinq s’y est mis. Autrement dit, à Crans-Montana, une vingtaine de cafés, bars ou restos offrent désormais une salle ou un espace sans fumée, à côté des deux établissements, le tea-room Délicatesse et la «Cabane des Violettes» qui sont, eux, devenus complètement non fumeur. 

Des pâtisseries sans arrière-goût
«Nous sommes désolés pour les fumeurs, mais nous optons pour un choix de vie. Merci pour votre compréhension.» Au tea-room «Délicatesse», au centre de Crans, des affichettes annoncent clairement la couleur. C’est «pour le plaisir personnel, pour avoir une meilleure qualité de vie» que Benoît Provins, le patron, a décidé de franchir le pas, radicalement. «J’ai d’abord hésité. J’avais des inquiétudes sur le plan financier… Puis j’ai passé à l’action, le 11 janvier. Il est trop tôt pour tirer un bilan, mais la clientèle a changé. Elle est moins nombreuse le matin, des travailleurs en pause café-cigarette ne sont plus revenus. En revanche, j’ai d’avantage de clients l’après-midi, des touristes, des familles, etc. Je reçois beaucoup de félicitations, de gens qui me disent: «un bistrot sans fumée, on n’attendait que ça!» Artisan boulanger-pâtissier, Benoît Provins apprécie également que la chantilly sur les gâteaux n’ait plus un arrière-goût de fumée!

Des débuts difficiles
La décision de Benoît Provins est irrévocable. Il ne reviendra pas en arrière. Même discours chez Bernard Bonvin à la «Cabane des Violettes», restaurant d’altitude perché à 2200 mètres. Pourtant, ces débuts sans fumée sont plutôt difficiles. «Une partie des clients, des jeunes skieurs surtout, ne respectent pas l’interdiction de fumer à l’intérieur. Ils ramènent des cendriers de la terrasse, au grand dam d’autres clients qui n’apprécient guère. Cela crée certaines tensions. Mais je ne veux surtout pas intervenir et faire la police. Je suis déçu, mais j’espère qu’avec le temps, les fumeurs respecteront les règles.» A la «Cabane des Violettes», c’était tout ou rien, car le réfectoire de 80 places, assez restreint, ne permet pas d’aménager un coin non fumeur. «Pour la santé du personnel, c’était un pas nécessaire.»

A Champex aussi…
«Le Mazot», à Champex est l’un des quatre premiers restaurants totalement non fumeurs en Valais. «Je ne supportais plus cette odeur, j’avais des migraines et des inquiétudes pour la santé de mes enfants, explique la patronne Pascale Lonfat. Nous dormons à l’étage, au-dessus du café-restaurant. La nuit, pour bénéficier de la chaleur du «bagnard» installé au rez (ndrl, le pierre ollaire de la vallée de Bagnes), nous devons laisser les portes ouvertes entre les deux étages. La fumée montait avec la chaleur, imprégnait les lits… Nous ne pouvions continuer ainsi. Soit nous fermions l’établissement, soit nous devenions non fumeur. Avec mon mari, nous avons opté pour cette solution en décembre et depuis, c’est une renaissance! 95% des clients sont très satisfaits. Je ne pense pas attenter à la liberté des fumeurs, car il y a 14 autres établissements dans la station. Ce n’est pas parce qu’on fait ce travail qu’on doit tout accepter! La santé, c’est plus important que le chiffre. Il a baissé de 15% en janvier 2005. Reste à savoir quel a été réellement l’impact de ce changement, car la dernière période des fêtes n’a pas été très bonne pour le tourisme.»


Un sujet d’actualité
Est-ce l’interdiction générale de fumer dans les lieux publics depuis le 11 janvier en Italie voisine? Toujours est-il qu’en Valais, la question de la fumée revient souvent ces temps autour des tables de bistrot. Comme la précédente d’ailleurs, la nouvelle loi cantonale sur la restauration en vigueur depuis 2005 est tout à fait libérale en la matière. Mais sur le terrain, les choses commencent à bouger. Même s’ils restent très rares, des établissements sont devenus totalement non fumeurs et surtout, ici et là se créent des espaces, voire des salles non fumeurs lorsque la configuration des lieux le permet. Exemple: «Lafarge» à Saint-Maurice, qui a banni la fumée de la salle du restaurant. «Un gros succès, commente Patricia Lafarge. A l’heure des repas, c’est cette salle qui se remplit d’abord depuis que nous avons pris cette mesure, il y a un an. Des fumeurs également préfèrent y manger. Pour s’en griller une, reste le bar et la brasserie.» 
Le Buffet de la Gare à Sierre a également franchi le pas il y a une année. «Cela me peinait de voir des bébés, des petits enfants dans les volutes, explique la patronne, Dominique Balmer. J’ai créé un espace non fumeur représentant 35 sur 85 places assises. Grâce à mon système de ventilation, c’est assez efficace. Clients, collaborateurs, tout le monde est enchanté. Pour bien négocier le passage, j’ai eu recours à l’aide du CIPRET, le centre valaisan de prévention du tabagisme, dont j’ai beaucoup apprécié la compétence.» 
On pourrait aussi citer le label «Fourchette Verte», relativement nouveau en Valais. Neuf restaurants l’ont obtenu pour l’instant; à l’heure du repas, un quart de leurs tables au moins sont non fumeurs.

Geneviève Zuber

 

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